BHL : pompier pyromane du « populisme »

Le Canard enchaîné de la semaine dernière nous apprenait qu’un documentaire allait être réalisé sur l’actuelle tournée de Bernard Henri Lévy (BHL) avec sa pièce « Looking for Europe ». Le financement de celui-ci ne semble pas poser problème puisque Canal+ fournira 300 000 € ; France 3, 230 000 € et Arte 200 000 €. 730 000 € donc pour un documentaire de ce type. Cela représente, selon les professionnels, 3 à 4 fois le prix normal.

Cette information n’a guère été reprise dans les médias, y compris par ceux prompts à s’indigner contre le gâchis de l’argent public, comme Le Point par exemple. Alors que les restrictions sont maximales dans l’audiovisuel, service public et secteur privé confondus, comment expliquer qu’il soit prioritaire de financer à des coûts exorbitants un documentaire que personne ne regardera, car on peut supputer que le documentaire sera un bide public, à l’image de la pièce elle-même ? Un documentaire narcissique sur une pièce narcissique que personne ne regardera, n’est-ce pas un peu cher pour soigner l’ego de BHL ?

Sa pièce suscite les mêmes réactions que toutes ses dernières productions littéraires, cinématographiques ou autres : des articles élogieux de courtisans stipendiés, serviles ou stupides qui ne craignent pas le ridicule d’un côté, de l’autre un éclat de rire et/ou une indignation de critiques prenant leur travail au sérieux et l’indifférence totale du public qui n’achète plus ses livres et ne regarde ni ses films, ni ses documentaires et pour lequel BHL est un sujet soit d’amusement soit d’agacement, les deux étant compatibles.

Au vu de sa très grande fortune, il aurait très bien pu financer sur ses propres deniers un documentaire dont on peut parier à l’avance qu’il sera ridiculement hagiographique. Certes, on sait que malgré sa richesse, BHL aime bien utiliser l’argent public, comme lorsqu’il avait fait financer par France 5 un documentaire racontant la rénovation de sa villa de Tanger.

Mais l’enjeu n’est pas pécuniaire, c’est un enjeu de puissance. BHL veut prouver qu’il pèse, qu’on ne peut rien lui refuser et il y parvient. Les dirigeants de l’audiovisuel ont estimé, tout simplement, qu’il ne leur était pas possible de résister à la demande de BHL. En l’occurrence, ils ne se sont pas inquiétés de savoir si financer un tel projet pouvait constituer un intérêt quelconque pour ceux qui payent la redevance ou leur abonnement. N’y a-t-il pas d’autres projets qui auraient mérité d’être financés et produits et qui, eux, auraient intéressé le public. Mais ils se sont dit qu’il était plus prudent, vu ses capacités de rétorsion, de ne pas se mettre BHL à dos ; que ce service rendu, d’autant plus qu’il est illégitime, méritera un retour d’ascenseur. Ils se sont donc occupés de leurs intérêts réciproques de petite coterie et en aucun cas de ceux des téléspectateurs. C’est le triomphe de l’entre soi. Passons également sur l’énormité du financement par Arte dont il préside – depuis des décennies – le conseil de surveillance. Bonsoir la déontologie ! Mais pourquoi se priver ?

Si on en croit les multiples déclarations de BHL, l’enjeu de sa pièce est conséquent. Il ne s’agit ni plus ni moins de faire barrière au populisme qui déferle sur l’Europe. En réalité, tout ceci risque plutôt de le nourrir, car c’est bien la connivence coupable des élites et le mépris du peuple qui suscitent des réactions qu’elles qualifient de populistes sans jamais s’interroger sur leurs causes. Pour que les élites soient respectées, il faudrait qu’elles soient respectables. Certains servent, d’autres se servent.

BHL a tenu des propos méprisants sur les gilets jaunes (qui auraient probablement des réactions affreusement « populistes » s’ils apprenaient l’histoire de ce financement), occultant les revendications sociales de tous pour ne voir que les dérives d’une poignée. Mais qui est le plus méprisable ? Ceux qui revendiquent de pouvoir vivre un peu mieux ou celui qui profite de sa situation privilégiée pour s’octroyer encore plus de privilèges ? Il s’est toujours réclamé de gauche tout en négligeant la question sociale et en manifestant un mépris abyssal pour les classes populaires. C’est bien ce type d’attitude qui a perdu la gauche.

 

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