Relance de la course aux armements

Le monde est lancé dans une course aux armements on peut donc se demander quelle pourrait être sa ligne d’arrivée et si elle contribue à promouvoir la sécurité internationale, ou si elle est plutôt un facteur d’instabilité.

Le mouvement est général et se constate à l’échelle mondiale. Les dépenses militaires mondiales auront atteint 2240 milliards de dollars en 2022 selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) qui fait autorité en la matière. Elles pourraient augmenter de 10 % par an du fait des décisions déjà prises sur l’acquisition de matériels.

Qu’est-ce qui peut expliquer cela ? Il y a bien sûr la guerre en Ukraine, la rivalité sino-américaine en Asie et, dans le Golfe, l’augmentation des ressources liées au pétrole et une moindre confiance dans les garanties américaines.

Le problème de la course aux armements, c’est qu’elle s’autoalimente. Il y a un effet spiral, chacun suivant le mouvement de son rival, souvent en l’amplifiant, provoquant des réactions en chaine.

Du temps de la guerre froide, il y avait des négociations de limitation des armements qui étaient venues encadrer cette course. Plus rien de cela désormais.

Chacun veut faire de la surenchère, et, alors que les finances publiques de la plupart des pays sont sous tension, les budgets militaires sont les seuls pour lesquels la contrainte est limitée.

En Europe, le choc de l’agression russe en Ukraine a fait bondir les dépenses militaires, même si on ne peut que constater la faiblesse intrinsèque de l’armée russe. En Asie, la Chine, sans vouloir rattraper les États-Unis – elle sait que l’URSS a implosé pour avoir voulu suivre le rythme américain en matière d’armement – a fortement augmenté son budget, créant des réactions en chaîne. Le Japon a carrément décidé de doubler la part de son PIB consacré à la Défense.

On entend souvent dans les débats en Europe des critiques sur le désarmement structurel que les pays d’Europe de l’Ouest auraient subi en voulant empêcher « les dividendes de la paix », à la fin de la guerre froide. Cette attitude est souvent présentée comme étant irresponsable. Mais il n’était guère irresponsable de diminuer les dépenses au constat de la disparition de la menace soviétique qui avait structuré les perceptions stratégiques depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quelle que soit l’agressivité de Vladimir Poutine, la menace russe ne peut en rien être comparée à la menace soviétique.

Où sont d’ailleurs les dividendes de la paix ? Les dépenses militaires mondiales étaient de 711 milliards de dollars, en dollars courants, en 1990. Elles sont passées à 742 milliards en 2000 et sont aujourd’hui de 2 240 milliards. Elles ont triplé.

Le mythe des dividendes de la paix ne résiste donc pas à l’examen des chiffres. Les dépenses militaires américaines sont restées stables entre 1990 et 2003 (environ 320 milliards de dollars). Elles ont ensuite très fortement augmenté après le 11 septembre, pour passer à 533 milliards en 2005, 738 en 2010, 778 en 2020, et désormais 876 en 2022.

Les dépenses militaires chinoises étaient de 10 milliards de dollars en 1990, 22 en 2000, 105 en 2010 257 en 2020, et près de 300 aujourd’hui.

Par ordre d’importance, ils sont suivis par la Russie (86 milliards de dollars), l’Inde (81), l’Arabie saoudite (75), le Royaume-Uni (68), l’Allemagne (55), la France (53), et ensuite la Corée du Sud et le Japon (45 milliards environ pour les deux).

On ne peut qu’être frappé par la facilité à trouver des moyens jugés nécessaires pour la sécurité et la défense, et la difficulté à le faire pour lutter contre le changement climatique pourtant lui aussi source majeure d’insécurité.

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