Un compromis est-il possible entre Zelensky et Poutine ?

KYIV, UKRAINE - MAY 20, 2021 - President of Ukraine Volodymyr Zelenskyy attends a news conference on two years in office at the Antonov State Enterprise, Kyiv, capital of Ukraine. (Photo credit should read Evgen Kotenko/ Ukrinform/Barcroft Media via Getty Images)

Un compromis est-il possible entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine ? Est-ce que les deux hommes pourraient parvenir à un accord qui permettrait d’aboutir à un cessez-le-feu et de mettre fin à la guerre que l’armée russe mène contre l’Ukraine ?

Zelensky continue d’affirmer qu’il ne se rendra pas et qu’il luttera jusqu’au bout. D’ailleurs, au début de la guerre, alors que tous étaient persuadés que la Russie se dirigeait vers une victoire éclair, le président ukrainien avait refusé d’être évacué par les États-Unis, déclarant qu’il n’avait « pas besoin d’un taxi », mais plutôt d’une armée. Il est devenu une icône mondiale par son courage, son charisme et la résistance qu’il incarne. Le clown est devenu un homme d’État. Chaplin est devenu Churchill. Mais il a récemment exprimé sa disposition à envisager une négociation. Quelles pourraient être les conditions d’un potentiel accord ?

Zelensky a déclaré qu’il pourrait renoncer à la volonté ukrainienne d’intégrer l’OTAN. Il a même affirmé être disposé à discuter de la Crimée et du Donbass. Ce point de vue est relativement réaliste. Il est clair que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est inenvisageable, non seulement parce que Poutine ne saurait l’accepter sans réagir encore plus violemment qu’il ne le fait aujourd’hui, mais surtout parce que les pays de l’OTAN eux-mêmes n’en voudraient pas. En 2008, l’organisation avait ouvert sa porte à l’Ukraine sans pour autant l’intégrer ce qui avait mis le pays dans les pires des difficultés. S’agissant de la Crimée, personne de sérieux ne peut envisager une reconquête. En Crimée, la plupart de la population adhère à l’annexion russe, situation tout à fait différente dans le reste de l’Ukraine. Zelensky pourrait par ailleurs renoncer aux républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, et les laisser officiellement à la Russie. Les reconquérir serait aujourd’hui très difficile, voire impossible, pour l’Ukraine. Par ailleurs, la non-application des accords de Minsk n’est pas de la seule responsabilité de la Russie. Cette dernière a ses responsabilités, mais c’est bien l’Ukraine qui a refusé d’accorder l’autonomie au Donbass au sein de ses frontières, ce qui était prévu dans les accords. Et c’est seulement ensuite que l’armée ukrainienne aurait pu se déployer dans la région jusqu’à la frontière russe.

Sur ces trois points, un compromis pourrait donc être trouvé entre Poutine et Zelensky. Mais le problème qui se pose dès lors est celui de la victoire symbolique qu’obtiendrait Poutine. En effet, si Zelensky accepte – ce qui revient à accepter en partie les conditions posées par Poutine avant le conflit – Poutine pourrait justifier son recours à la guerre comme un moyen d’obtenir des concessions de la part de l’Ukraine sur ces différents points. Zelensky acceptera-t-il de donner l’occasion à Poutine de célébrer la victoire que serait l’acceptation des conditions posées avant la guerre ? Ce serait néanmoins un moyen de mettre fin aux souffrances du peuple ukrainien. Continuer le combat, ne pas négocier revient également à maintenir le peuple ukrainien dans la souffrance et dans l’exil.

L’avenir de la bande territoriale côtière entre la Crimée et le Donbass (où se situe notamment le port stratégique de Marioupol), qui est en passe d’être contrôlée par la Russie, est cependant une tout autre question. Il serait beaucoup plus difficile pour l’Ukraine d’y renoncer.

Zelensky évoque la possibilité de soumettre l’ensemble de ces questions à référendum. Il ne se sent pas capable de céder de lui-même aux exigences russes. Le référendum serait la preuve d’une sagesse démocratique, mais il parait néanmoins difficile d’organiser un tel vote dans un pays où dix millions d’habitants ont quitté leur foyer et où les combats se poursuivent. L’Ukraine est donc face à ce dilemme, un peu comme les pays ayant mis fin à des dictatures : est-ce qu’il faut accorder l’impunité au dictateur pour mettre fin plus rapidement à la dictature ou est-ce qu’il faut le juger et donc aller jusqu’au bout ? Peut-on accepter certaines conditions émises par Vladimir Poutine au risque de le voir triompher ? Ou est-ce qu’il vaut mieux continuer à combattre en pensant qu’un jour ou l’autre il finira par perdre la guerre ? Quoi qu’il en soit, ce sont les Ukrainiens qui seront les premiers à souffrir. Peut-être que certains dans le monde occidental sont prêts « à se battre jusqu’au dernier des Ukrainiens », mais en tous les cas, c’est aux Ukrainiens et à eux seuls de décider ce qui est acceptable ou non pour leur pays.

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