MBS à Paris : les enjeux d’une visite

La longue visite que Mohammed Ben Salmane (MBS) – plus de 10 jours – est en train d’effectuer en France suscite des réactions nombreuses et contrastées.

Comme très souvent, on oppose à cette occasion une diplomatie morale, qui conduirait à prendre ses distances avec le prince héritier et homme fort du royaume, et realpolitik qui conduit à lui dérouler le tapis rouge. Reconnaissons au président Macron une réelle constance, il n’a jamais été question pour lui de boycotter MBS, tandis que le président Biden voulait en faire un paria. Joe Biden a bien été contraint de se rendre à Riyad pour demander au prince d’augmenter sa production pétrolière. MBS a fait exactement l’inverse quelque temps après, de surcroît en liaison avec la Russie. Mais il a également accueilli le président Volodymyr Zelensky lors d’un sommet de la ligue des États arabes alors que ce dernier faisait route pour le G7 d’Hiroshima. Et il y a eu une réconciliation historique et la réouverture des relations diplomatiques avec l’Iran sous l’égide de la Chine. Bref, MBS entend n’être plus dans une relation de dépendance unique avec les États-Unis et on peut dire que le Pacte du Quincy, établi en 1945, et selon lequel, en échange de la protection du régime saoudien, Washington obtenait un accès privilégié au pétrole saoudien, est révolu.

Emmanuel Macron estime que l’Arabie saoudite est un pays incontournable, et étant âgé de 38 ans, il est probable que MBS y soit à la tête très longtemps. Le PIB saoudien est 2 fois supérieur à celui des Émirats, 4,5 fois à celui du Qatar et se situe au 21e rang mondial.

Donc le président français clôt le chapitre de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, qui près de cinq ans plus tard, colle toujours à la réputation de MBS. Si l’on se situe sur le terrain des valeurs, on peut d’ailleurs s’étonner que la mort de ce journaliste, certes très bien introduit à Washington, compte plus que les dizaines de milliers de Yéménites qui ont été tués du fait d’opérations militaires saoudiennes.

Le prince héritier veut changer non seulement l’image de son pays, mais son pays lui-même. Il veut l’ouvrir au monde extérieur, permettre le cinéma et plus largement des loisirs autrefois interdits, donner aux femmes le droit de conduire, rendre plus attractive la vie de la jeunesse et faire de son pays une superpuissance des compétitions sportives.

Karim Benzema, Cristiano Ronaldo et bientôt d’autres vont évoluer dans le pays. Il ne s’agit pas seulement d’accueillir des vedettes vieillissantes, mais de constituer un championnat national réellement compétitif. L’Arabie saoudite organise par ailleurs le rallye Dakar et a réunifié sous son égide le golf mondial.

S’il a échoué à faire venir Léo Messi et ses 7 ballons d’or, ce dernier sert quand même d’Ambassadeur pour le développement du tourisme en Arabie saoudite – dont MBS voudrait qu’il se développe en dehors du seul tourisme religieux. Le pays va créer une nouvelle compagnie aérienne qui vise 30 millions de passagers et 100 destinations d’ici 2030.

Riyad est par ailleurs candidate à l’organisation de l’exposition universelle de 2030 et probablement à la Coupe du monde de football après avoir vu l’engouement suscité par l’édition 2022 au Qatar.

Au-delà du sport washing et de la nécessité de corriger l’image du pays, il y a une réelle volonté de préparer l’après-pétrole toujours à l’horizon 2030.

Il s’agit également de mettre au travail une population habituée à la rente. Il est donc à la fois modernisateur et répressif, n’acceptant pas que l’on se mette sur son chemin.

Grâce à l’augmentation des prix de l’énergie, MBS dispose d’importantes réserves financières. De quoi organiser un clientélisme et attirer des soutiens.

Cette chronique est également disponible sur ma page MediapartLeClub.