Après l’exclusion de la Russie du Mondial de foot, et de nombreuses fédérations, les Jeux paralympiques avaient-ils encore le choix de ne pas exclure les athlètes russes ?
Il y a un mouvement sportif relativement uni. Il n’y a pas d’exception pour ces jeux paralympiques qui sont dans la continuité des jeux olympiques. Ce qui a décidé les différents mouvements sportifs, le comité olympique et le comité paralympique, c’est la violation flagrante de la trêve olympique. C’est le recours à la guerre qui a changé la décision. Ce sont des décisions très rares : il y a eu l’Afrique du Sud pour cause d’apartheid, mais également l’Afghanistan parce qu’elle ne permettait pas aux femmes de pratiquer le sport. C’est une décision forte et cela montre aussi que le mouvement sportif n’est pas insensible aux mouvements de société. Beaucoup de sportifs prennent position et s’expriment de plus en plus. On l’a vu avec la tenniswoman Peng Shuai, avec le mouvement Black Lives Matter. Les instances sportives sont aussi sensibles à la pression des participants, des athlètes qui entendent faire valoir leur voix.
Quel est l’avenir de la Russie dans le monde sportif dans ces conditions ?
Tant qu’il y aura la guerre, et peut-être tant que Poutine sera au pouvoir, elle risque d’être longtemps bannie. Les décisions ne sont jamais éternelles. Mais là, on peut dire que c’est un revers monumental pour Poutine parce qu’il a beaucoup misé sur le sport pour sa stratégie de communication, pour montrer que grâce à lui la Russie était de retour, alors qu’elle avait disparue de la scène sportive pendant les années Eltsine. Là, c’est lui qui fait totalement disparaître la Russie de la scène sportive. Tant qu’il n’y aura pas un rétablissement de relations amicales entre la Russie, l’Ukraine et les autres pays, on peut penser que cette décision sera maintenue.
Cela peut-il engendrer un mouvement de rébellion des sportifs russes contre le pouvoir de leur pays ?
Certains se sont déjà rebeller. Il est plus facile pour les sportifs russes qui vivent à l’étranger de protester que pour ceux qui sont encore en Russie. Quoique certains ont eu le courage de le faire, et c’est franchement extraordinaire car ils risquent assez gros. On peut penser que les sportifs russes en Russie vont adhérer à la thèse poutinienne du complot occidental, mais d’autres, qui seront certainement les plus nombreux, vont se dire mais « où Poutine nous a-t-il entrainés ? » C’est une sanction coup de massue : avec l’affaire de dopage ils pouvaient au moins participer individuellement aux compétitions. L’équipe de Russie pouvait participer à la Coupe du monde, les clubs russes aux différentes compétitions européennes. Là, plus personne ne peut, beaucoup de sportifs russes vont se dire que c’est avec cette politique agressive de Poutine qu’ils en sont arrivés là.
Propos recueillis par France info.