Oublié, refoulé, ignoré, le conflit israélo-palestinien toujours central

GAZA, PALESTINE - 2021/05/10: A Palestinian boy with his father cries following the deaths in Israeli-Palestinian violence. Sirens sounded on May 10th in Jerusalem after rockets were fired from the Gaza Strip. According to the IDF, an Israeli citizen in a nearby car was lightly injured and evacuated to receive treatment. The Ministry of Health in Gaza announced shortly after the killing of about twenty people after an Israeli raid on the northern part of the Gaza Strip. (Photo by Mahmoud Issa/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

Le conflit israélo-palestinien, qu’on disait oublié, mis de côté, ayant perdu sa centralité, vient de ressurgir au plus fort de l’actualité. Plus de 35 morts à Gaza, plusieurs centaines de blessés palestiniens sur l’Esplanade des Mosquées depuis plusieurs jours, 5 morts en Israël, un bilan déjà lourd en ce 12 mai au matin, qui pourrait encore s’aggraver.

Tout a commencé par des manifestations d’extrémistes israéliens criant « mort aux arabes » fin avril dans Jérusalem-Est dont les médias ont peu parlé. Ensuite, c’est dans le cadre de manifestations de soutien à des familles palestiniennes qui devaient être expulsées de leurs maisons à Jérusalem-Est au profit de colons juifs que les choses se sont aggravées. Mais il ne s’agit plus d’une querelle foncière, c’est le sort des Palestiniens qui est en jeu. Ces derniers estiment que les Israéliens veulent les expulser de Jérusalem-Est pour en faire une ville uniquement juive. Côté israélien, on estime qu’il s’agit d’un simple différend foncier qui peut être réglé par la justice. Sauf que la loi n’est pas la même pour tous. Des juifs qui peuvent établir qu’ils avaient des titres antérieurs à 1948 peuvent demander la restitution de leurs biens, ce qui est interdit aux Palestiniens.

Après les heurts sur l’Esplanade des Mosquées, le Hamas a posé un ultimatum à Israël en exigeant le retrait des forces israéliennes de l’Esplanade. Sans réaction d’Israël, le Hamas a déclenché des tirs de roquettes à partir de Gaza sur Jérusalem puis sur Tel-Aviv les 10 et 11 mai, faisant 5 morts côté israélien.

La réaction de la « communauté internationale » à ces évènements a été fort timide. Si le même type de violence intervenait dans d’autres lieux, la réaction, notamment des pays occidentaux, serait évidemment beaucoup plus déterminée.

Quelles leçons tirer de ces évènements dramatiques ? La paix signée par Israël avec certains pays arabes ne résout rien. Pourquoi ? Parce que ces accords n’ont pas réglé la question palestinienne. Israël peut faire la paix avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc, le Soudan, la question palestinienne n’a pas pour autant disparu de l’agenda. Tous ceux qui disaient qu’elle n’était plus un problème se sont trompés. D’ailleurs, on ne peut faire la paix qu’avec un pays avec lequel on est en conflit. Or Israël n’était pas en conflit avec Abu Dhabi ou Rabat, mais bien avec les Palestiniens.

La question palestinienne, que beaucoup, notamment les soutiens les plus inconditionnels d’Israël, présentaient comme réglée, ne l’est en rien. Si d’autres drames occupent bien entendu l’actualité, elle reste centrale. Récemment encore, Human Rights Watch, la grande ONG américaine de défense des droits de l’homme, plutôt proche du département d’État américain structurellement et idéologiquement et qu’on peut difficilement soupçonner d’islamogauchisme, évoquait une situation d’apartheid pour qualifier la situation des Palestiniens. Ce qui se passe n’est tout simplement pas défendable : il y a un peuple occupé par un autre et ce n’est pas possible que cela perdure au XXIe siècle. La seconde moitié du XXe siècle avait été marquée par la mise en œuvre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en Afrique, en Asie. Dans ce cadre, la question palestinienne reste aujourd’hui une exception qui n’est ni acceptable ni durable.

Sur le plan politique, Netanyahou est contesté : après 4 élections, il n’arrive toujours pas à former un gouvernement. Le fait d’attiser les tensions peut être un moyen pour lui de protéger son pouvoir. Il est d’ailleurs en large partie responsable de la montée en puissance de l’extrême droite israélienne et de son entrée à la Knesset, du fait des accords électoraux qui lui ont permis de se maintenir au pouvoir. De ce fait, l’extrême droite se sent le vent en poupe et hésite de moins en moins à faire valoir son idéologie.

Côté palestinien, la situation politique n’est pas meilleure : Mahmoud Abas est au pouvoir depuis 2005, il repousse à nouveau les élections. Il coopère avec les Israéliens en en profitant personnellement et familialement, tout en protestant de temps en temps, pour la forme. Il n’est plus légitime aux yeux des Palestiniens. Ceux-ci n’ont pas non plus envie d’être représentés par le Hamas. Il y a donc une crise de représentativité côté palestinien. Mais ce n’est pas pour cette raison que les droits des Palestiniens doivent être niés. En tous les cas, ce ne doit pas être le radicalisme ou la corruption de leurs dirigeants qui doivent les priver du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Beaucoup disent que les médias français ne parlent pas suffisamment de la situation, et que si de tels évènements avaient lieu à Hong Kong ou à Moscou, ils seraient beaucoup plus offensifs à condamner ceux qui commettent les violences. Il est vrai que les médias français sont un peu plus timides lorsqu’il s’agit de parler du conflit israélo-palestinien que d’autres cas de répression, certainement parce que l’accusation d’antisémitisme tombe dès qu’une critique est émise à l’égard du gouvernement israélien. Les réactions, les manifestations qui interviennent parfois suite à l’évocation de ce sujet – comme ce fut le cas pour France Télévisions – ont également tendance à restreindre le temps médiatique consacré au conflit.

Les cris « mort aux arabes » qui ont retentis à Jérusalem n’ont pas suscité l’indignation qu’ils méritaient. Si des manifestants arabes avaient crié « mort aux juifs », les réactions auraient été d’une toute autre ampleur.

Le silence, la « timidité », ou le deux poids deux mesures des médias centraux sur ce sujet ne peuvent que nourrir le complotisme que par ailleurs ils dénoncent. Mais ce n’est pas en restant muet ou timide sur ce sujet, parce qu’il divise les audiences, que l’on va faire disparaitre ce sujet de l’actualité. C’est une façon de nourrir le complotisme que de ne pas traiter ce sujet de façon saine et sereine.

On notera également que la diplomatie française, qui a été traditionnellement en pointe sur la défense du droit des Palestiniens à disposer d’eux-mêmes, ne l’est plus vraiment, et qu’elle se situe dans une moyenne commune, très discrète et très timide en réalité.

Quand certains dénoncent un « islamo-clientélisme » pour qualifier le soutien de certains responsables ou intellectuels français à la cause palestinienne alors qu’elle n’est qu’un soutien au droit international et aux droits humains. Quant aux élus français qui, sans dire un mot sur les Palestiniens, proclament leur solidarité sans faille avec les Israéliens, qui peut croire qu’ils le font à partir d’une analyse juridique ou géopolitique ?

Bien sûr Israël est une démocratie, mais c’est une démocratie où l’extrême droite, comme dans d’autres pays, gagne de plus en plus de terrain. Cela est d’autant plus inquiétant que cette extrême droite est très violente. Israël est surtout une démocratie qui occupe un autre peuple, et ce n’est pas normal au XXIe siècle.

Il faut rendre hommage aux Israéliens courageux, qui luttent pour la paix et contre l’occupation et qui sont soumis en Israël à la répression et dont on ne parle pas suffisamment dans les pays occidentaux et notamment en France. Ceux qui se disent amis d’Israël devraient penser à rendre hommage à ces pacifistes israéliens.