La crise du Coronavirus va-t-elle profiter à la Chine ?

Une question lancinante est posée en raison de la crise du Covid-19 : est-ce que la Chine – d’où est partie la pandémie – n’est pas en train de sortir renforcée et de gagner une bataille dans la guerre globale contre le Coronavirus, tout au moins la bataille de la communication ?

Elle apparaît, en effet, comme ayant réussi à contenir l’épidémie dans le pays, notamment grâce à des mesures drastiques. De nombreuses critiques ont été ensuite énoncées, affirmant que seul un régime totalitaire pouvait en prendre de telles. Elles ont pourtant été, d’une manière ou d’une autre, reprises par le monde entier.

La Chine, aujourd’hui, communique sur le fait que la pandémie soit vaincue et apparaît comme un modèle d’aide et de multilatéralisme dans la gestion de la crise. Elle envoie du matériel médical en Italie et en Afrique, notamment en Éthiopie. Ces gestes d’aides font l’objet d’une importante campagne de communication.  Au projet stratégique et économique des Routes de la soie, semble aujourd’hui se greffer un volet sanitaire au travers duquel la Chine viendrait au secours des populations nécessiteuses. On peut y voir une simple affaire de communication, de propagande, au travers de laquelle la Chine défend ses intérêts.

Bien évidemment, la Chine défend son intérêt national, mais qui pourrait le lui reprocher ? Chacun le fait, nous le faisons également. Et si nous ne le faisons pas, il faut s’en prendre à nous-mêmes. Lorsque la Chine aide les autres pays, elle s’aide elle-même, car elle a besoin que les économies de ceux-ci redémarrent, étant dépendante des marchés extérieurs. Mais plutôt que de s’arrêter à une critique vaine ou idéologique de la Chine, voyons plutôt les choses concrètement : n’assistons-nous pas à un nouveau tournant ? Dans cette grande bataille entre la Chine et les États-Unis, qui s’annonce depuis déjà assez longtemps, la Chine n’est-elle pas en train de gagner, et ce, du fait des États-Unis ? Dans ce piège de Thucydide, ce combat, entre la puissance dominante déclinante et la puissance dominée montante, le Coronavirus ne constitue-t-il pas un accélérateur du passage de témoin ?

C’est possible. Et la politique désastreuse de Donald Trump concernant l’épidémie de Covid-19 ne vient que renforcer le cours de l’histoire. Le président américain a longuement été dans le déni de la crise sanitaire, et sa politique est critiquée désormais aux États-Unis, et pourrait éventuellement lui coûter les élections de novembre. Il est à la tête du pays le plus puissant du monde, censé être le leader du monde occidental, mais où est son leadership quand il s’adonne à la critique de la stratégie de ses partenaires européens plutôt que de mettre en place une politique efficace en interne ?

Peut-être devons-nous, Européens, faire attention, car si la Chine est en train de gagner la bataille, c’est parce que nous ne la livrons pas nous-mêmes. Est-ce que nous ne devons pas, nous aussi, accélérer notre réflexion sur une autonomie stratégique européenne, y compris en termes de communication et de politique sanitaire ? Si nous ne voulons pas que la Chine marque trop de points, peut-être devons-nous développer une politique autonome, différente des États-Unis. L’exemple de leur politique de sanctions à l’égard de l’Iran et du Venezuela – sans exonérer les régimes iraniens et vénézuéliens de leurs propres turpitudes et responsabilités – durcie en période de pandémie, est tout à fait stupéfiant et extrêmement grave. La direction prise par Donald Trump d’inaction et de sanctions ne fait que renforcer la nécessité de s’en distinguer.

La Chine pourrait payer le prix fort, en particulier s’il s’avère que les autorités ont sous-estimé la crise, qu’elles ont masqué ou n’ont pas assez communiqué les informations qui ont fait que l’épidémie s’est répandue plus rapidement. Pour cela, ce ne sont pas les politologues ni les stratèges qui pourront donner des éléments de réponses, mais bien les médecins et les chercheurs en laboratoire. Il ne faut pas avoir un regard purement idéologique sur la Chine.

En ce qui concerne les défis réels que nous pose la Chine, nous devons prendre nos responsabilités, plutôt que de nous plaindre, et défendre nos intérêts nationaux ainsi qu’européens. Il faut adopter une politique commune, ce qui n’est pas le cas pour le moment. Mais ne reprochons pas aux Chinois de défendre leurs intérêts, si nous-mêmes nous ne sommes pas en mesure de défendre les nôtres.

 

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