La nomination d’Antonio Guterres au poste de Secrétaire général de l’Organisation des nations unies (ONU) est une très bonne nouvelle pour l’organisation mondiale.
Antonio Guterres a fait preuve de ses capacités par le passé : comme Premier ministre du Portugal, dans un premier temps, puis en tant que Haut-commissaire aux réfugiés où, pendant dix ans, il a dû faire face, avec efficacité et courage, à de très graves crises. Il est donc aussi bien au fait des responsabilités nationales que des responsabilités internationales et multilatérales.
Mais, Antonio Guterres, homme charismatique et de caractère, se distingue surtout par son tempérament. Les Secrétaires généraux sont souvent confrontés au risque d’être étouffés par des membres permanents qui lui dictent la politique à suivre. Certes, Antonio Guterres n’est pas le président de l’ONU et n’aura pas la capacité d’ordonner aux cinq membres permanents leur mode de conduite. On peut néanmoins penser qu’il sera plus actif que son prédécesseur, Ban Ki Moon, parfois trop respectueux des convenances et surtout trop soumis aux volontés de Washington. En conséquence, bien que sa marge de manœuvre ne soit pas totale, on peut penser qu’il donnera plus d’impulsion à la fonction. D’ailleurs, les membres permanents ne pensaient pas d’emblée à lui pour exercer le poste de Secrétaire général, craignant précisément son indépendance. Son rôle est important ; il a la capacité d’initier. On a vu, par le passé, des personnalités comme Boutros Boutros-Ghali ou Kofi Annan œuvrer avec plus d’indépendance que Ban Ki-Moon vis-à-vis des autres membres permanents.
Certes, l’ONU n’empêche pas les guerres, et d’aucuns avancent qu’elle s’est davantage illustrée par ses échecs que ses succès,comme le prouve actuellement son inanité et impuissance face à la situation syrienne. Ce genre d’allégation est fondée. Il existe, en effet, des divergences entre les membres permanents qui peuvent bloquer l’ONU et l’empêcher de jouer son rôle. Mais ce n’est pas le droit de veto qui est mis en cause car, sans ce droit, les Nations unies n’existeraient pas. Il constitue donc un mal nécessaire. Si l’ONU n’empêche évidemment pas la totalité des guerres, il convient également de prendre en compte l’ensemble de son œuvre : d’une part, par ses institutions spécialisées (de l’Organisation mondiale de la santé au Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés) ; d’autre part, par son travail de prévention et de prise de contact. Car la diplomatie se veut aussi discrète dans le but d’aboutir à la conclusion d’une guerre ou empêcher son déclenchement. Les critiques à l’égard de l’ONU sont souvent excessives et son bilan doit-être considéré sous un angle plus global. L’ONU, en tant que telle, n’est pas responsable des profondes divisions de la communauté internationale. Elle n’en est pas la cause, mais le simple reflet.
L’épilogue de la guerre du Golfe, de 1990 à 1991, porta l’espoir que l’ONU retrouve son rôle initialement prévu par les rédacteurs de la charte. Mikhaïl Gorbatchev, à la tête de l’URSS à l’époque, avait accepté de lâcher son allié irakien, car ce dernier avait très lourdement violé le droit international, en envahissant le Koweït. Pour la première fois, un membre du Conseil de sécurité n’opposait pas un veto à une résolution demandant des sanctions à l’encontre de l’un de ses alliés. On avait célébré un nouvel ordre mondial. Pour la première fois, la charte de l’ONU avait été utilisée telle qu’elle avait été prévue, dans une action de sécurité collective. Les clivages et blocages avaient ensuite repris le dessus ; il n’existe plus de guerre idéologique entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, mais des rivalités nationales. C’est sur ce point que la communauté internationale a loupé une étape, en laissant Gorbatchev quitter le pouvoir, faute d’avoir été soutenu, à la fin de la Perestroïka.
António Guterres ne fera donc pas de miracle, mais il pourra redynamiser la maison et offrir un nouveau souffle à l’ONU, qui en a bien besoin.