Les mémoires de Barack Obama (5/5) : Obama et Israël

Dans cette série de cinq articles, j’aborde au fil de l’eau les mémoires de Barack Obama, « Une terre promise », parues aux éditions Fayard le 17 novembre 2020.

Barack Obama avait beaucoup d’espoir de parvenir à un accord de paix sur le conflit israélo-palestinien. On peut penser que le comité Nobel lui avait attribué par avance le prix Nobel de la paix dans l’espoir qu’il y parvienne, là où tous ses prédécesseurs avaient échoué. Mais peut-être Barack Obama a-t-il échoué pour les mêmes raisons que les autres présidents américains. Il écrit par exemple que George W. Bush était favorable à une solution à deux États, mais qu’il n’a jamais voulu faire pression sur Israël. Mais Barack Obama n’a pas fait plus en réalité. Il explique un tel échec « nos diplomates se trouvaient contraints à chaque fois de faire le grand écart, en défendant Israël pour des actes auxquels nous nous opposions par ailleurs » et il ajoute « en d’autres termes l’absence de paix entre Israël et les Palestiniens constituait un risque pour les États-Unis ». Mais en même temps, il explique que du point de vue israélien « les Palestiniens demeuraient largement invisibles et leurs problèmes étaient ennuyeux, mais lointains ». Il écrit également « Arafat avait souvent employé des tactiques abjectes, mais tout ceci n’enlevait rien au fait que des millions de Palestiniens étaient privés de leur droit à l’autodétermination et de tant d’autres droits dont jouissaient même des populations de régimes non démocratiques. »

Dans un assez long et robuste passage il explique qu’à sa prise de fonction « la plupart des républicains avaient cessé de faire semblant de s’intéresser au sort des Palestiniens. Au contraire, une majorité importante de protestants évangéliques blancs, le réservoir des voix républicaines le plus consistant, pensait que la création et l’expansion progressive d’Israël réalisaient la promesse faite par Dieu à Abraham et annonçait le retour du Christ. Quant aux démocrates, même les plus progressistes redoutaient de paraître moins pro-Israël que les républicains et du reste une bonne partie d’entre eux étaient juifs ou représentaient des circonscriptions abritant une importante population juive. »

Il poursuit « les membres des deux partis préféraient éviter de s’attirer les foudres de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), un puissant lobby transpartisan qui veille à ce que les États-Unis continuent de soutenir inconditionnellement Israël. L’AIPAC pouvait exercer son influence sur presque tous les districts du pays est pratiquement tous les politiciens Washington – compris – en comptaient parmi les plus importants soutiens et donateurs. Autrefois l’AIPAC hébergeait en son sein une pluralité d’opinions concernant la paix au Proche-Orient et il avait pour ligne de conduite que les politiciens cherchant en ce soutien devaient approuver le prolongement de l’aide américaine à Israël et s’opposer aux tentatives d’isoler ou de condamner Israël à l’intérêt au sein de l’ONU ». Puis la politique israélienne s’est décalée à droite et l’AIPAC a suivi. « L’AIPAC continuait à prôner une alliance et le renforcement de cette alliance entre les gouvernements américain et israélien même lorsque les agissements du second entraînaient une contradiction avec la politique du premier. Les parlementaires qui critiquaient Israël un peu fort risquaient de se voir qualifier d’anti Israël et éventuellement d’antisémite et de découvrir en face d’eux à l’élection suivante un adversaire pourvu d’un budget confortable. »

Obama avait demandé l’arrêt ou le gel de la colonisation, Netanyahou n’en a tenu aucun compte parce qu’il savait qu’il faudrait compter sur l’appui du Congrès. Malgré la poursuite de l’aide américaine à Israël et même son renforcement sous Obama, Netanyahou a fait en sorte de présenter ce dernier comme un adversaire d’Israël et Obama reconnait que le Premier ministre israélien a remporté la partie en lui collant cette image. Obama rappelle qu’une « divergence normale avec un Premier ministre israélien même à la tête d’un fragile gouvernement de coalition avait un goût politique sans équivalent dans les relations avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, le Japon, le Canada ou n’importe quel autre allié proche. »

Après une énième réunion à la Maison-Blanche entre Moubarak, Netanyahou et Mahmoud Abbas où les choses avaient paru avancer, Barack Obama décrit son sentiment à leur propos : « Je les ai imaginés en train de se serrer la main, après coup, à la façon des acteurs sortis de scène qui se débarrassent de leurs costumes et de leur maquillage avant de retrouver le monde qu’il connaisse. Un monde dans lequel Netanyahou pourrait attribuer l’impossibilité de la paix à la faiblesse d’Abbas tout en s’efforçant de l’affaiblir le plus possible et où Abbas pourrait accuser publiquement Israël de crimes de guerre tout en concluant discrètement des contrats commerciaux avec les Israéliens. Un monde où les dirigeants arabes pourraient déplorer les injustices infligées aux Palestiniens pendant que leurs propres forces de police traquaient sans relâche les opposants et les mécontents. »

Tout ceci permet de conclure qu’il ne faut pas se faire beaucoup d’illusions sur le fait que Biden parvienne à faire avancer un accord de paix entre Israël et Palestine puisque de toute façon les choses sont bloquées, que l’AIPAC exerce un pouvoir sur le Congrès qui est trop important pour que la situation puisse changer.

Cet article est également disponible sur Mediapart Le Club.