[LES INROCKS] – “C’est la fin de l’ivresse de la mondialisation”

Mon interview dans les inrocks à l’occasion de la parution de « Géopolitique du Covid-19 » :

La catastrophe sanitaire de la Covid-19 ne bouleverse pas seulement l’économie mondiale. Ce sont les relations internationales et géostratégiques elles-mêmes qui se recomposent sous son effet. Mais comment ? Est-ce vraiment la fin de la mondialisation ? La Chine en sort-elle renforcée ? La coopération internationale est-elle désormais en odeur de sainteté ? Autant de questions auxquelles Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), enseignant à l’Institut d’études européennes de l’Université Paris-VIII, et auteur de Géopolitique du Covid-19 (éd. Eyrolles), répond pour Les Inrockuptibles.

Êtes-vous surpris par l’onde de choc internationale qu’a provoqué cette crise ? Pouvait-on s’attendre à ce qu’un virus perturbe l’ordre mondial comme il l’a fait ?

Effectivement ça a été une surprise, car on ne pensait pas qu’un virus pouvait frapper si rapidement le monde entier, même si des avertissements avaient été émis par différents livres blancs [sur la défense et la sécurité nationale, ndlr] et rapports de la CIA sur les risques d’une pandémie. L’ampleur et la rapidité de l’expansion de la pandémie de Covid-19 ont pris beaucoup de gens de court. Si on m’avait dit en décembre 2019 que le monde entier serait bloqué en avril 2020, j’aurais été relativement incrédule. Il y a donc eu une surprise générale. Le fait que les pandémies précédentes ont été rapidement contenues a induit pas mal de gens en erreur.

Dans votre livre vous énumérez ces livres blancs, ces “signaux faibles”, et vous concluez que “gouverner c’est prévoir, et dans le cas présent rien n’a été prévu”. La gestion de la crise par les Etats vous laisse donc sceptique ?

On peut distinguer trois types de pays : ceux qui dès le départ ont pris les mesures nécessaires (Chine, Corée du sud, Taïwan, Singapour, Nouvelle-Zélande, Vietnam) ; les pays qui ont été pris de court mais qui ont réagi, même avec retard ; et ceux qui ont persisté dans le déni. La communication des pays occidentaux, au départ, était plutôt dans le déni de l’importance de la crise. La communication en France sur le fait que les masques n’étaient pas nécessaires – non pas parce que des études le disaient mais parce qu’on n’en avait pas ! -, a fait douter de la parole gouvernementale. Cependant les pays qui se sont enfoncés dans le déni, comme le Brésil ou les Etats-Unis, payent un prix beaucoup plus cher que ceux qui, fut-ce avec un temps de retard, ont pris la mesure du défi sanitaire qui était posé.

Vous écrivez que parmi les leçons à tirer de la crise, le monde occidental devra sûrement “apprendre à faire preuve de modestie”

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