Trump et l’OTAN, un chantage basé sur un mensonge

Parmi les constantes dans la rhétorique de Donald Trump il y a l’accusation selon laquelle les pays européens ne paieraient pas leur juste part de l’effort de défense du monde occidental. Trump dénonce le manque d’implication des Européens pour assurer leur sécurité, laissant les Américains la prendre en charge.

Faute d’un réel effort européen de partage du fardeau, il fait peser un doute sur le futur de l’engagement américain au sein de l’OTAN. Il a fait de multiples déclarations en ce sens. « J’aime l’OTAN, l’OTAN ça va. Mais vous savez quoi ? Nous ne devrions pas payer presque tout le budget de l’OTAN pour protéger l’Europe. Et puis, ils profitent de nous pour le commerce. Ils ne le feront plus. »

Cela a pour effet d’inquiéter les pays européens qui craignent de ne pas être en mesure de faire face à la menace russe sans l’appui américain. « Ils veulent que nous les protégions contre la Russie, et pourtant ils paient des milliards de dollars à la Russie, et nous on est les cons qui payent pour le tout » a encore déclaré Trump.

Ce chantage exercé par Trump a payé puisque les pays européens augmentent leurs dépenses militaires et se rapprochent de l’objectif fixé de 2 % du PIB consacré à la défense. Cela aura pour effet direct d’augmenter les achats d’armement aux États-Unis.

Quelle est la réalité de ce burden sharing (partage de fardeau) ? En fait, Donald Trump énonce des contre-vérités quand il le présente comme défavorable aux États-Unis. Les États-Unis dépensent en effet beaucoup plus que les Européens pour leur défense. 720 milliards contre 250 pour les pays européens membre de l’OTAN, mais c’est Trump qui a décidé, unilatéralement, d’augmenter les dépenses militaires américaines de 120 milliards en deux ans. Le niveau élevé de celles-ci correspond à la volonté d’hyper puissance des Américains. Ces derniers, depuis la fin de la guerre froide, ont néanmoins augmenté leur présence militaire à l’étranger.

Dire que ce sont les Américains qui financent l’OTAN est tout simplement une fake news. Le budget civil de l’OTAN est de 250 millions d’euros et le budget militaire de 1,4 milliard. Les États-Unis le financent à hauteur de 360 millions soit 22 %.

Mais l’OTAN représente avant pour les Américains l’occasion d’étendre leur influence sur les pays européens. Le chantage au départ sert surtout à resserrer les rangs derrière leur leadership.

Trump se plaint régulièrement du déficit commercial – de 120 milliards – des États-Unis à l’égard de l’Europe. En matière militaire ce n’est pas le cas. Les licences d’exportation accordées par les États-Unis aux pays de l’Union européenne représentent, en 2018, 21 milliards de dollars. Celles accordées par l’Union européenne en direction des États-Unis représentent 2,4 milliards. Les chiffres sont équivalents pour 2017.

On le voit, les États-Unis récupèrent largement leur mise de fonds dans l’OTAN. En 1966, le sénateur Mansfield déposait un amendement au Sénat menaçant de retirer les troupes américaines stationnées en Europe si les pays du vieux continent n’augmentaient pas leurs dépenses militaires.

L’exécutif américain a combattu chaque année avec succès cet amendement, en expliquant aux sénateurs que la présence militaire américaine n’était pas un cadeau fait aux Européens, mais relevait de l’intérêt national américain. C’est bien toujours le cas. Non seulement en termes d’influence politique, mais aussi en termes économiques.

Pour motiver son amendement, Mansfield déclarait que les pays européens avaient recouvré leur santé économique et militaire et qu’ils étaient à même de résister à une agression soviétique. On peut penser qu’il serait encore plus facile aujourd’hui de résister à une agression russe dont le budget militaire n’est que de 60 milliard.

Bien sûr, si Donald Trump évoque constamment le burden sharing (partage du fardeau), selon lui défavorable aux Américains, il n’évoque jamais le power sharing (partage de pouvoir) au sein de l’OTAN. Les Américains en ont, en dernière instance, le monopole. Sa menace de se retirer de l’OTAN n’est qu’une menace en l’air que le Pentagone ne laissera jamais mettre à exécution. C’est un dispositif trop important, trop avantageux pour le complexe militaro-industriel américain.

Les États-Unis étendent cette stratégie d’intimidation à tous les pays alliés et rivaux réunis, comme le montre leur décision de sanctionner désormais tous les pays qui voudraient acheter du pétrole à l’Iran.  Cela pourrait-il devenir l’élément déclencheur d’une réelle riposte européenne ?

 

Je viens de publier « Requiem pour le monde occidental », aux éditions Eyrolles.

 

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